Pourquoi mes émotions me submergent-elles ?

Envahissement émotionnel

Ressentir un bouleversement émotionnel et être décontenancé.e.s face à cette puissante vague n’est pas une expérience que nous pouvons qualifier d’agréable. En effet, elle est source d’incompréhension, souvent accompagnée de l’impression de ne plus être réellement soi-même. Il est important d’être à l’écoute des signes transmis par notre corps, qui envoie un signal d’alerte à travers ces émotions intenses et difficilement gérables. Conseil élémentaire ? Probablement, mais souvent négligé. Grand nombre d’entres nous n’avons pas l’habitude d’y prêter une oreille attentive, car bien souvent, nous n’avons pas conscience de leur importance et nous avons appris, à nos dépends, à les minimiser.   


Montagnes russes émotionnelles : quelques pistes explicatives

Nous traversons toutes et tous, à différents moments de notre vie, des phases – plus ou moins longues – de bouleversements émotionnels. Au cours de ces phases, nous nous sentons submergé.e.s par nos ressentis émotionnels négatifs, douloureux. Ce sentiment de « trop-plein » émotionnel est familier pour beaucoup d’entre nous. Il est désagréable, car il s’accompagne d’une notion puissante de perte de contrôle, qui impacte nos différentes sphères de vie, bouleversant notre monde.

Nous avons tendance à vouloir éradiquer ces émotions envahissantes, afin de reprendre un semblant de contrôle dans nos vies et dans notre manière de gérer les évènements. En effet, qui, parmi nous, n’a jamais souhaité ne plus éprouver ces émotions pesantes ? L’envie de fuir les émotions qui entraînent des ruminations mentales infernales, qui impactent notre état d’esprit et notre corps est un réflexe humain. Car nous pensons qu’y prêter attention serait invivable et nous viderait de notre énergie, nous déstabilisant énormément. Beaucoup de personnes pensent que laisser leurs émotions exister et apprendre à les ressentir sans chercher à les anesthésier, aura pour conséquence une perte de contrôle totale, une pérennisation de leurs émotions désagréables, en elles. Ce qui n’est, fort heureusement, pas le cas.

Nous n’avons malheureusement pas appris, au cours de notre éducation (familiale et sociétale), à accueillir nos émotions, à les comprendre et à les considérer comme essentielles à notre bon fonctionnement, aussi désagréables soient-elles. Essentielles, car elles sont les messagères de nos besoins, trop souvent mis au second plan et minimisés.

Ainsi, au cours des années, nous mettons en place des mécanismes de fuite émotionnelle, engendrant des comportements d’évitement et de nombreux blocages. Cela impacte les relations que nous entretenons avec nous-mêmes et avec les autres. Ces mécanismes d’évitement s’expriment de différentes manières : ne pas être à l’écoute de nos émotions « négatives », chercher à les supprimer, en s’occupant l’esprit avec des distractions, en fuyant nos pensées, en évitant d’être seul.e.s avec nous-mêmes ou, au contraire, en se repliant sur soi, trop envahi.e.s et épuisé.e.s pour se sortir la tête de l’eau.

Il s’agit de « mettre sous le tapis » ces sentiments, pensant qu’ils « vont passer tout seuls » ou de les laisser prendre la forme de ruminations incessantes, engloutissant notre esprit. En agissant ainsi, nous cumulons ces émotions, nous ignorons le message que notre corps et notre esprit nous transmettent. Nous ne parvenons plus à définir nos besoins, et encore moins à les communiquer. Nous agissons « en mode automatique » et nous nous manquons, par ce fait, de respect et de considération.


Conséquences possibles

Le surcontrôle émotionnel comprend, entre autres, le fait de se bloquer à entreprendre certaines choses par peur de souffrir ou d’échouer. C’est un mécanisme qui entrave notre rapport au monde. Car s’empêcher de vivre des expériences est également s’empêcher de vivre. Cela ferme des portes à beaucoup de domaines cruciaux pour notre épanouissement et étouffe notre véritable être. De plus, souhaiter contrôler toutes émotions négatives et désagréables est une lutte vaine, car impossible. Agir en « pilote automatique » apporte une perte de sens dans notre vie, car lui aussi, étouffe et refoule nos émotions, ainsi que nos véritables envies. La politique de l’autruche, est également bien souvent employée. Nous pensons, par ce fait, supprimer le problème. Néanmoins, il revient sous forme d’angoisse de plus en plus intense et intrusive, car nous minimisons la situation et les émotions qui y sont rattachées.

Nous adoptons des comportements que nous pensons adaptés à la situation, mais nous nous laissons progressivement de côté. Il n’est pas rare de ne pas réussir à poser des limites « saines » autour de soi, de laisser plus de place au bien-être et aux besoins des autres qu’au nôtre, de rendre constamment service aux autres, de laisser entrer des personnes néfastes dans nos vies, de ne pas oser dire non et de faire passer les émotions des autres en priorité.

Il est également fréquent de se forcer à faire des activités que nous ne souhaitons pas faire, car nous anticipons les réactions des autres et que nous souhaitons éviter certains conflits. Ou encore, par peur de se sentir coupables, jugé.e.s. Nous agissons par instant à travers le prisme de la fameuse peur du rejet (et les émotions et ressentis négatifs qui vont avec) et nous ne sommes plus en accord avec nous-mêmes.

De même, ne pas se laisser assez de temps pour se reposer, se fixer des objectifs trop hauts, en vouloir toujours davantage pour prouver notre valeur aux autres (et à nous-mêmes), s’enfoncer dans un perfectionnisme extrême, contrôler constamment ses émotions et donc ses besoins en les étouffant, engendre un stress chronique.

La conséquence de ces agissements est, inévitablement, ce surplus émotionnel qui vient nous frapper subitement un jour et nous donner le coup de grâce. Cela engendre assez de souffrance ou de problématiques pour que nous daignons y prêter attention, car notre corps et notre état psychologique ne nous laissent plus l’option de fuir.

Cet épuisement émotionnel nous fait nous sentir vides, nous fait perdre la notion de plaisir, nous rend irritables, stressé.e.s, angoissé.e.s, impulsif.ve.s, plus susceptibles, plus en colère, plus tristes. Il nous épuise physiquement, rend difficile la concentration et impacte également le sommeil.

Comment s’adapter et mieux réguler ses émotions ?

Cette période d’introspection, cette envie d’aller mieux, est donc poussée par le constat que nous ne fonctionnons plus « comme avant ». Néanmoins, il est nécessaire de garder à l’esprit que le fonctionnement précédemment mis en place, et ce durant de nombreuses années, doit être déconstruit et adapté, car il s’est avéré dysfonctionnel. Il est ainsi essentiel de comprendre nos réactions, liées à nos émotions.

Nous devons apprendre à réajuster notre comportement et être plus à l’écoute de nos émotions et de nos besoins. Ce n’est pas un travail facile, car il implique de remettre en question notre manière de concevoir les choses et notre manière d’agir, qui sont bien ancrées en nous.

Vous l’aurez ainsi compris, l’accueil émotionnel est un processus essentiel pour gérer nos émotions et appréhender de manière plus sereine certaines expériences, en développant une stabilité et maturité émotionnelle. Le fait de lutter contre des émotions spécifiques et de ne pas s’octroyer le droit d’avoir mal ou de refuser cet état engendre une plus grande souffrance que si nous acceptions de ressentir ces sensations (qui sont éphémères).

Même si, sur l’instant, cela paraît insurmontable, car ces ressentis sont source de souffrance. Ils ne sont pas permanents, mais ont besoin qu’on leur donne le temps nécessaire pour le processus de « digestion émotionnelle ». Notre tendance à l’évitement, au repli sur soi ou à la recherche de distraction pour éviter de ressentir telle ou telle émotion engendre un cercle vicieux, qui dégrade nos compétences à réguler nos émotions, qui s’entassent et qui ne font, au final, qu’aggraver la douleur sur le long terme. Accueillir nos émotions permet non seulement de les légitimiser, mais également, de mettre en place des stratégies adaptées, pour trouver des solutions à des situations qui génèrent ces émotions (si solutions, il existe).

Une des techniques proposées en thérapie est celle connue sous le nom de « Mindfulness » ou « Méditation en pleine conscience ». L’intérêt de cette approche est précisément de nous apprendre à accueillir nos émotions, nos pensées, nos ressentis, avec bienveillance (sans se juger et en les laissant s’éloigner) et en étant pleinement présent. Cela permet de cultiver un rapport plus apaisé aux émotions et de travailler la tolérance à la situation qui les a déclenchées, pour s’adapter au mieux et développer un rapport plus sain à soi. En effet, habiter pleinement l’émotion permet d’apprendre à mieux la maîtriser.

Apprendre à accepter ses émotions, à les nommer, à les comprendre, à les verbaliser, permet de prendre du recul sur les pensées assassinent que représentent nos ruminations. Cette technique contribue également à se soustraire des réactions « automatiques », impulsives, suscitées par des pensées trop critiques, culpabilisantes, négatives et de mettre fin à leur influence néfaste. La vie étant cyclique et comportant son lot d’épreuves, le but est d’apprendre à mieux appréhender ses ressentis afin de gérer les évènements sans se laisser noyer par nos émotions. Ces outils permettent de développer plus de flexibilité émotionnelle et par ainsi notre capacité à relativiser.

Il est important de ne pas considérer cette approche comme une technique de relaxation et de souligner le fait que cette pratique est laïcisée. Contrairement aux idées reçues, l’objectif n’est pas de ne « plus rien penser » , d’éradiquer toutes pensées, ruminations, émotions et de fuir la réalité. Il s’agit de s’entrainer à ancrer son attention sur l’instant présent, sur ses ressentis corporels et émotionnels, permettant d’être pleinement présent à soi et au monde environnant. Le fait de centrer intentionnellement son attention au moment présent, sans surinterprétation des évènements, sans jugement, sans anticipation, améliore notre rapport aux expériences, notre conscience de soi et diminue les blocages comportementaux. Une autre méthode appelée « contrôle respiratoire » - ou « cohérence cardiaque » est également d’une aide non négligeable pour la gestion émotionnelle.

Vous n’êtes pas seul.e.s dans cette démarche que représente la régulation des émotions. N’hésitez pas à vous faire accompagner si vous en ressentez le besoin.

Il ne s’agit pas de retirer le sentiment de l’esprit ou de le cacher, mais de le ressentir avec acceptation
— Carl Rogers
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