La peur de l’inconnu : comment la surmonter ?
La peur : une réponse émotionnelle archaïque
La peur de l’inconnu est une peur fréquente, car elle active des mécanismes de préservation de soi importants. Des mécanismes de défense, de « survie » qui deviennent particulièrement actifs lorsque nous nous trouvons confronté.e.s à une situation qui n’est pas familière et potentiellement source de danger. Elle peut devenir particulièrement paralysante lorsque nous n’apprenons pas à tolérer le sentiment d’incertitude et d’angoisse qu’elle provoque.
Le contrôle comme réponse comportementale
Cette peur peut être handicapante car elle amène à exercer un contrôle important sur notre environnement et sur nous-mêmes : anticiper les situations, les possibles conflits, les éventuelles difficultés, les dangers, contrôler notre attitude, nos discussions. Cela engendre des conditionnements comportementaux tels que : s’empêcher de faire des activités, des rencontres, des sorties, de se lancer dans un projet. Par peur du déroulement de la situation, nous finissons par générer des blocages. Nous allons donc nous efforcer à éviter ces situations, perçues en général comme menaçantes. Nous refusons de nous y confronter, par précaution. Elles déclenchent un pic d’angoisse, ressenti comme une menace imminente et entraîne une réaction de fuite.
Le contrôle est un réflexe humain, et, si nous le mettons en place, ce n’est pas sans raison : il apporte un sentiment de sécurité, permet de ne pas ressentir - du moins en surface - des émotions désagréables, par exemple la honte de se tromper ou de bafouiller pendant une présentation orale, le sentiment d’incompétence si nous commettons une erreur dans un projet. Il permet d’éviter des situations angoissantes et de rester dans notre « zone de confort ». Ce sont ces « bénéfices » ressentis dans l’immédiat, qui rendent si difficiles les déblocages et qui nous confortent dans nos positions. Néanmoins, il s’agit d’un apaisement de courte durée, car les angoisses restent, en fond, et prennent plus d’ampleur.
Nous pouvons nous demander « pourquoi prendre ce risque ? C’est inutile ». Car ce que nous envisageons est toujours un risque négatif : nous occultons les effets positifs qu’un changement - ou qu’une action - pourrait générer et nous minimisons l’utilité de passer un cap. Nous ne prenons donc pas assez en considération nos besoins, nos réelles envies.
Cette « zone de confort » devient ainsi de plus en plus inconfortable et nous emprisonne. Elle peut avoir pour effet de prolonger la souffrance, car les ruminations et les interprétations sur les situations en question s’amplifient.
Ainsi, l’évitement de ces situations a des finalités bien précises parmi lesquelles nous pouvons citer : ne pas vivre un potentiel « danger », ne pas faire face à un rejet, un échec ou encore ne pas enclencher une crise d’angoisse. Il s’agit donc d’éviter d’expérimenter ce que nous redoutons. Nous ressassons des scénarios dits « catastrophes », dans lesquels nous imaginons le pire. Nous nous conditionnons ainsi à ce que les choses se dérouleront forcément mal et nous sommes persuadé.e.s de ne pas pouvoir y faire face. Nous nous sentons très vulnérables.
A quels niveaux ce réflexe de contrôle nous impacte-t-il ?
En définitive, nous pouvons déceler dans ce contrôle permanent des effets néfastes :
Il accentue l’angoisse, augmente la peur elle-même de la situation.
Il créé un cercle vicieux, qui nous empêche d’avancer : nous restons dans nos peurs, nos anticipations, nos ruminations, nos interprétations.
Il peut isoler et augmenter le sentiment d’insécurité ou d’incapacité à gérer telle ou telle situation.
Il impacte l’estime de soi, renforce les sentiments de honte, détresse, de tristesse, de frustration, d’impuissance, de culpabilité.
Il accentue les pensées intrusives, très négatives et à fort impact émotionnel, voire physique : tensions, douleurs, migraines, fatigue excessive.
Il étouffe l’autonomie, la spontanéité, le sentiment de satisfaction, l’apprentissage, la connaissance de soi.
Le contrôle est énergivore. Il génère une importante charge mentale, qui épuise, sans mentionner le temps important consacré à tout prévoir dans les moindres détails. Il nous conditionne à agir selon certaines règles et routines, qui sont paralysantes et limitantes. En outre, lorsque tout est prévisible, nous ne nous autorisons pas à vivre de nouvelles expériences enrichissantes, ce qui peut provoquer un sentiment d’ennui, de monotonie, un manque de sens dans notre vie et une impression de stagner. Il nous emprisonne dans une dynamique néfaste pour notre bien-être.
Le but d’un accompagnement thérapeutique est de conscientiser ces comportements de contrôle, d’apprendre à apaiser les symptômes d’angoisse afin de les gérer plus efficacement, de valoriser nos forces pour minimiser ce ressenti de vulnérabilité. Il s’agit notamment de prendre conscience de nos craintes, des éléments déclencheurs, d’où ces peurs prennent leur source, de comprendre pourquoi elles sont présentes, d’apprendre à être plus à l’écoute de nous-mêmes, de nos ressentis.
Apprendre à identifier ces facteurs, avec l’aide d’un.e professionnel.le, permet d’élaborer quelques stratégies pour dominer nos appréhensions.
Apprendre à lâcher-prise
Le lâcher-prise n’est pas quelque chose qui se met en place du jour au lendemain, par miracle, mais qui s’apprend. Nous entendons en effet régulièrement l’importance du lâcher-prise, qui reste un concept trop abstrait pour beaucoup et qui paraît inatteignable. Il est essentiel de se centrer sur les situations où nous exerçons le plus de contrôle et de les lister. Rendre moins abstrait ce concept passe notamment par décrire des actions concrètes, que nous allons mettre en place de manière progressive, pour nous délester de certains de ces comportements contrôlants. L’essentiel est de conscientiser ces comportements et d’en percevoir les conséquences réelles dans notre vie.
C’est ainsi que nous arrivons à déconstruire ces mécanismes de contrôle, qui sont devenus des automatismes. Lorsque nous agissons en acceptant de ne pas exercer un contrôle total sur certains aspects de nos vies, nous nous rendons compte que les choses peuvent se dérouler convenablement. Ce qui a l’intérêt de nous alléger et de nous encourager à poursuivre nos efforts. Nous réalisons notamment que nous exagérions le sentiment de risque réel des situations redoutées et que nous pouvons les gérer. Ce qui permet de débloquer certains comportements d’autosabotage. Lâcher-prise est fastidieux et demande des efforts constants, du moins dans les premiers temps : il est donc essentiel de ne pas oublier les raisons pour lesquelles nous nous efforçons de le mettre en place dans certains contextes, bien délimités.
Le but n’est pas de se plonger dans l’inconnu de manière trop radicale ni de se mettre la pression pour réaliser certains objectifs et d’aller brutalement à l’encontre de situations anxiogènes pour nous. Il est important de respecter notre rythme, et de nous confronter progressivement aux éléments qui déclenchent ces angoisses. Il faut se sentir prêt.e à affronter nos angoisses, car les surmonter aide à dédramatiser, à renforcer notre confiance en nous et à développer des stratégies de gestion de la peur.
Comment appréhender la peur de l’inconnu ?
La peur de ce qui est imprévisible, de l’inconnu peut être apprivoisée : l’inconnu peut être découvert, devenir de plus en plus familier et ainsi moins effrayant. Il donne des perspectives d’avenir et d’évolution dans notre vie. Il est donc essentiel de percevoir l’inconnu sous un angle nouveau : non comme un "risque inutile” mais comme une occasion de mettre en place un changement favorable dans notre vie. Comme une opportunité de se redécouvrir, de vivre des expériences surprenantes et positives, de développer certaines compétences importantes pour nous, en plus d’alimenter notre estime de soi.
Se confronter à « l’inconnu », aux situations génératrices d’angoisse permet d’apprivoiser la peur ressentie. Car nous réalisons que nos pires prédictions imaginées ne se réalisent pas. Ou, face à une difficulté, nous nous rendons compte que nous avons les compétences pour y faire face : du moins, nous apprenons comment nous ajuster. Ce qui permet d’être plus confiant.e, créatif.ve au niveau de la découverte de solutions pour s’adapter à la situation. Nous nous sentons donc moins vulnérables et plus aptes à affronter les imprévus contraignants. Il a pour également effet de gérer plus sereinement les réactions émotionnelles de stress.
En conclusion, apprendre à apprivoiser ce qui nous effraie nécessite une certaine préparation. Il est important de savoir ce dont nous avons besoin, ce que nous pouvons faire pour cette « confrontation ». Il est également essentiel d’entendre le désir qui se cache derrière la peur, afin de trouver des sources de motivation et pour éviter de nous enfermer dans une vision très pessimiste. Le désir d’accomplir un projet par exemple, ou encore celui de faire de nouvelles rencontres, de sortir de notre isolement social.
Cela pourrait s’apparenter à un contrôle. En effet, nous choisissons de contrôler ce que nous pouvons contrôler dans ces situations : notre manière de l’appréhender, d’y répondre et de répondre à nos besoins. La nuance se pose donc ici : ne pas chercher à tout contrôler, tout anticiper négativement - les réactions des autres, les catastrophes, le déroulement exact d’une situation - mais chercher à obtenir certaines réponses à nos interrogations, à recueillir des informations qui pourraient nous être utiles pour affronter convenablement nos craintes. Ce n’est pas rester dans une dynamique où nous subissons les choses, en entrant dans un mécanisme plus actif : « si les choses se déroulent mal, comment pourrais-je faire face ? » ; « si cette personne ne me comprend pas, comment pourrais-je lui expliquer les choses ? » ; « si ce projet n’aboutit pas, qu’est-ce que je pourrais mettre en place pour m’ajuster à ce qui a fait défaut ? ». On recherche donc des éléments de réponse, pour que les informations obtenues puissent permettre de rendre l’inconnu, plus connu, dans la mesure du possible.
Travailler sur l’acceptation
Bien sûr, il existe des situations que nous devons accepter, car nous ne pouvons pas les changer, malgré nos efforts et notre investissement. L’acceptation est un processus long, complexe, qui demande de s’octroyer du temps, de la bienveillance. Des émotions intenses, dont des angoisses, sont parfois inévitables dans ces situations spécifiques. Et elles sont naturelles, bien que douloureuses.
Pour parvenir à accepter certaines situations, il est nécessaire de savoir s’occuper de soi, pour nous aider à nous préserver, pour nous permettre de nous ressourcer. Il est essentiel de savoir demander de l’aide, de trouver du soutien et de l’écoute auprès de personnes-ressources, de se distraire en faisant des activités qui nous font du bien, qui nous remontent le moral, qui nous aident à prendre du recul (loisirs, sorties, relaxation, méditation, sport, etc.). Et, d’accepter de ressentir ces émotions difficiles, de les accueillir comme une « phase » qui finira par s’apaiser, en tentant d’améliorer au mieux notre quotidien, instant après instant.
“En remplaçant la peur de l’inconnu par de la curiosité, nous nous ouvrons à un flux infini de possibilités.”